Comme au Larzac, Notre-Dame-des-Landes peut devenir un laboratoire foncier

Opposant de la première heure à l’extension du camp militaire du Larzac, José BOVÉ soutient, dans cette interview donnée à L’Obs, la création d’une société civile pour gérer Notre-Dame-des-Landes en cas d’abandon du projet d’aéroport.

Le Larzac, un modèle pour Notre-Dame-des-Landes ? La lutte paysanne des années 1970 sur le plateau du Larzac, dans l’Aveyron, reste en tout cas la référence absolue pour les opposants à l’aéroport. Que s’est-il passé à l’époque ? Pendant dix ans, entre 1971 et 1981, le site a été occupé pour s’opposer à l’extension d’un camp militaire. Menacés d’expropriation, les 103 paysans qui ont juré de ne jamais vendre leurs terres sont alors soutenus par des antimilitaristes et des écologistes qui squattent le terrain et cultivent le sol. De grands rassemblements sont organisés. La mobilisation paie : le projet est finalement abandonné par le président François Mitterrand, qui s’y était engagé pendant sa campagne.

Dans la foulée, une négociation est engagée en vue d’une redistribution des parcelles, qui aboutit à la création d’une société civile. Celle-ci gère, aujourd’hui encore, les terres du Larzac. Alors que l’hypothèse d’un abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes n’est plus exclue, de nombreuses voix plaident en faveur d’une sortie de crise de type Larzac. A l’exemple de José Bové, figure altermondialiste, opposant de la première heure à l’extension du camp militaire du Larzac, qui soutient cette solution à Notre-Dame-des-Landes. Il nous explique pourquoi.

A Notre-Dame-des-Landes, le Larzac est érigé en modèle comme possibilité de sortie de crise. De quoi parle-t-on ?

Pendant la campagne présidentielle de 1981, le candidat Valéry Giscard d’Estaing avait annoncé que s’il était élu, le projet d’extension du camp militaire se poursuivrait. François Mitterrand, lui, s’était engagé à abandonner le projet. Trois mois après son élection, et malgré les réticences du ministre de la Défense de l’époque, Charles Hernu, le projet d’extension a été abrogé, la déclaration d’utilité publique (DUP) abandonnée. Ce fut le premier acte juridique.

Les services de l’Etat, partie expropriante, ont ensuite remis le dossier à plat juridiquement, en demandant aux propriétaires des 103 exploitations s’ils souhaitaient racheter les biens qu’ils avaient vendus (une petite partie avait vendu à l’amiable) ou pour lesquels ils avaient été expropriés. Ceux qui ne souhaitaient pas redevenir propriétaires, car souvent ils n’étaient pas exploitants, avaient la possibilité de demander l’indemnisation qui leur était due.

Une fois cette phase juridique conclue, qui a pris deux ans environ, nous avions une vision foncière définitive et avons pu réfléchir au futur de l’exploitation des terres sur le Larzac. En novembre 1984, nous avons créé la Société civile des terres du Larzac (SCTL). En avril 1985, nous avons signé un bail emphytéotique de longue durée, c’est-à-dire le transfert des terres de l’Etat à la SCTL. Tous les droits et obligations du propriétaire ont été transférés, à l’exception du droit de vendre qui demeure le privilège de l’Etat. Ce bail a été consenti pour 60 ans et a été prolongé pour 99 ans, le maximum, en 2013, officialisé par une signature du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, sur le Larzac.

Ce même processus juridique peut-il s’appliquer à Notre-Dame-des-Landes en cas d’abandon du projet d’aéroport ?

C’est complètement possible. Je dirais même que c’est la solution la plus cohérente pour l’Etat et pour les agriculteurs. D’autant qu’il y a moins de propriétaires que dans le Larzac, une partie des terres ayant été acquise par le conseil général, et une surface moins grande. On a une situation foncière qui me semble a priori moins complexe.

En quoi le contexte politique est-il aujourd’hui différent ?

François Mitterrand s’était engagé personnellement et nous l’avait dit directement. Cet engagement lui tenait à cœur, il était venu plusieurs fois nous voir. Mais dans les quinze jours qui ont suivi son élection, nous nous sommes rendu compte que le ministre de la Défense n’était pas sur les mêmes positions. Malgré la promesse du président, il y avait des voix discordantes. Il y a eu des pressions de certains élus, du ministre et de l’état-major pour qu’une partie du camp se fasse, au moins sur 5.000 hectares (sur un total de 14.000 hectares). Cela a failli tout faire capoter. Pour obtenir des garanties que le projet soit vraiment abandonné, il a fallu qu’on revienne à la charge en montant à Paris, en faisant la tournée de Matignon, de l’Elysée et du ministère de la Défense. On avait même prévu, en cas de refus, d’entamer une grève de la faim.

La suite de l’entretien est à lire sur le site de L’Obs : http://bit.ly/2kY8pVj

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