COP29 à Bakou, l’irresponsabilité face à l’urgence
L’Azerbaïdjan, une erreur de casting qui coûte cher
La COP29 s’est déroulée à Bakou en Azerbaïdjan du 11 au 24 novembre 2024. Elle s’est ouverte alors que les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont atteint un nouveau record qui place le monde hors des accords de Paris. 2024 sera la première année à dépasser +1,5°C. Avec +1,3% d’émission de GES en 2023, nous préparons un monde à +3,1°C à la fin du siècle dont les conséquences sont incalculables.Les canicules, incendies, sécheresses et inondations dévastatrices se multiplient, entraînant des coûts humains, sociaux et économiques désastreux. Les dramatiques inondations en Espagne qui ont causé la mort d’au moins 220 personnes n’en sont malheureusement que le dernier rappel. Les effets du réchauffement climatique sont désormais réels et quotidiens partout dans le monde.
Après Dubaï en 2023 où les Etats ont reconnu pour la première fois la nécessité d’une transition hors des énergies fossiles, la COP 29 était organisée cette année dans un pays dirigé par Ilham Aliyev, président autoritaire. Dans un rapport dévoilé le 8 octobre dernier, les ONG Human Rights Watch et Freedom Now révélaient comment la répression à l’égard « des activistes de la société civile, des journalistes et des défenseurs des droits humains » s’était accentuée dans le pays à l’approche de la COP.Comme de nombreux autres chefs d’Etat, Emmanuel Macron avait prévu de ne pas participer à la COP. La France devait ainsi être représentée par Agnès Pannier-Runacher. Mais, à la suite de critiques du président azerbaïdjanais Ilham Aliev sur la gestion par la France de la situation en Nouvelle-Calédonie, la ministre française de la Transition écologique a finalement annoncé qu’elle ne se rendrait pas à la COP29.
Le 10 octobre dernier, Human Rights Watch a également révélé que l’accord entre l’Azerbaïdjan et la CCNUCC, signée en août 2024 imposait aux participant·es le «respect des lois azerbaïdjanaises» et la non-ingérence dans les «affaires intérieures» du pays.Dans ce contexte, le débat a fait rage et des voix ont appelé à boycotter cette COP afin de protester contre la répression des libertés publiques et l’invasion du Haut-Karabakh arménien.
Un bilan plus que mitigé
La COP29 s’est achevée le 24 novembre après deux jours de prolongation éreintants pour des négociateurs⸱trices déjà épuisé⸱es. Les attentes étaient fortes, à la hauteur de l’urgence climatique, notamment pour les pays les plus vulnérables, mais aussi pour les nombreuses ONG présentes sur place qui n’ont eu de cesse d’alerter sur le péril.Il était malheureusement prévisible qu’une COP organisée dans un pays producteur d’énergies fossiles et dirigé par un autocrate ne serait pas à la hauteur. La présidence azérie a ainsi attendu le tout dernier jour pour enfin proposer un chiffrage du montant des transferts financiers Nord-Sud à graver dans l’accord.
Le bilan de cet accord, signé dans la douleur et l’ambiguïté, est pour le moins mitigé.
Des constats sans appel
Premier constat : les conditions d’organisation et ce triste bilan renforcent la pertinence d’une réforme des critères de désignation du pays hôte comme nous l’avons appelé de nos vœux.
Second constat : la partie financière du texte final acte la hausse de la contribution des pays, responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre, de 100 à 300 milliards par an. Même si ce montant figure dans l’accord final comme objectif à atteindre, c’est bien loin des 1300 milliards nécessaires. On le sait : les dérèglements climatiques accroissent les inégalités en impactant toujours les plus précaires, tant entre les pays qu’en leur sein. Les Écologistes rappellent que la mise en œuvre du Fonds pour les pertes et dommages, créé lors de la COP27, avait constitué une étape positive. Cependant, comme le financement ne devrait commencer qu’en 2025, son impact se fera sentir trop tard pour de nombreuses communautés qui souffrent déjà de catastrophes provoquées par le climat.Troisième constat : il est navrant que le point crucial de la sortie des fossiles ne soit pas plus avancé qu’il ne l’était lors de la COP28. Les Écologistes soutiennent l’initiative pour un traité de non-prolifération des fossiles, actuellement combattu par l’extrême-droite au Parlement européen, comme d’autres objectifs de mise en œuvre de l’accord de Paris, issus des COP suivantes. Il s’agit de mesures de protection de la population européenne et mondiale. Par ses amendements, l’extrême-droite révèle l’ampleur de son climatoscepticisme.
Maigres avancées et discussions qui restent âpres
Les écologistes se réjouissent de l’adoption d’une partie des règles d’application de l’article 6 de l’accord de Paris sur les marchés carbones, mais seront attentifs à ce qu’elle ne se fasse pas au détriment de l’ambition climatique par un “achat de droits à émettre” et des droits des populations en première ligne dans les pays en développement.
Le fait que les femmes sont plus victimes des dérèglements climatiques a été remis en avant, comme il l’avait été en 2022, mais il a buté sur la résistance des pétromonarchies, de la Russie ou encore du Vatican. Or il est avéré que les dérèglements climatiques engendrent une dégradation des droits des femmes. Les Écologistes réaffirment que les droits des femmes doivent être défendus partout et aussi et surtout jusque dans les COP.De même, les droits des peuples autochtones, régulièrement bafoués sur l’autel de projets de développement économiques doivent être entendus et défendus. A ce titre, la création d’un groupe permanent de représentation des peuples autochtones au sein de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique décidé lors de la COP16 biodiversité est une bonne nouvelle. Les écologistes resteront vigilants et proactifs pour que leurs droits soient toujours respectés.
Renouer avec l’ambition des COP
Les Écologistes déplorent le manque d’ambition des décisions prises au cours de cette COP, appellent les pays les plus riches à augmenter considérablement leurs engagements financiers, à mettre en œuvre sur leur territoire des actions climatiques fortes et à mettre fin urgemment à leur dépendance aux combustibles fossiles.Deux priorités se dégagent plus particulièrement pour la diplomatie climatique française à l’issue de cette COP :
- L’exigence d’une réforme des critères de désignation du pays hôte afin d’éviter de reproduire l’erreur d’attribuer l’organisation de la COP à un pays comme l’Azerbaïdjan ;
- l’amplification du travail pour influer sur les stratégies de certains pays, dopés aux combustibles fossiles, qui torpillent régulièrement les négociations climatiques.
Alors que l’année 2025 sera celle des 10 ans le l’accord de Paris, l’heure n’est plus à l’hypocrisie, aux retours en arrière et aux tergiversations.
Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-paroles nationales
La commission Énergie & Climat
Crédit photo : Dean Calma / IAEA – Flickr