La PFUE : la France ne doit pas mettre l’Union européenne au service des intérêts privés
Alors que la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) a débuté le 1er janvier, les ONG Corporate Europe Observatory et l’Observatoire des multinationales ont publié une version actualisée de leur rapport « Une Présidence sous influence : les priorités biaisées du gouvernement français pour l’UE ».
Comme les écologistes, ces ONG s’inquiétaient du rôle des lobbys dans la préparation de la présidence française et des projets de sponsoring. David Cormand avait d’ailleurs interpellé le ministre des Affaires européennes pour demander à ce qu’aucun sponsoring n’ait lieu dans le cadre de la PFUE :
Malgré cela, et malgré les alertes exprimées, notamment par le Médiateur européen, le Parlement européen ou bien la société civile sur les risques de conflits d’intérêts, la France a finalement décidé de maintenir un partenariat « en nature » avec des constructeurs automobiles français. Et ce partenariat est loin d’être anodin puisqu’il servira à influencer les décideurs européens sur un sujet clef du Pacte vert : la fin de la commercialisation des véhicules thermiques d’ici à 2035, proposée par la Commission européenne. En effet, alors que la France s’oppose à cet objectif et souhaite repousser sa date à 2040 et en exclure les véhicules hybrides, la flotte automobile proposée par Stellantis (fusion de PSA et Fiat Chrysler) et Renault comportera… des véhicules hybrides. Pire, ces deux entreprises sont poursuivies par la justice pour avoir installé des logiciels conçus pour truquer les tests d’émission de leurs voitures. En plus de polluer l’air, nos poumons et le climat, elles risquent de polluer le débat public et asphyxier l’ambition européenne de réduction d’émissions des gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques.
Grâce aux pressions exercées, le gouvernement a finalement abandonné sa volonté de recourir au sponsoring d’EDF pour « compenser » les émissions de carbone de la PFUE.
Mais l’influence des grandes entreprises françaises ne s’arrête pas là : elles ont alimenté le programme de la PFUE depuis 2020. Malgré nos demandes, nous n’avons obtenu ni la transparence sur les think-tanks consultés dans le cadre de la préparation de la PFUE ni la publication de leurs contributions. Et le peu d’informations publiques disponibles nous inquiète plus qu’elles nous rassurent. Comme le montrent les ONG, sur les seuls rendez-vous publiés par le Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, Philippe Léglise-Costa, et son adjointe, l’essentiel était consacré aux acteurs privés.
Tout cela est profondément choquant et ce d’autant plus que le triptyque de la PFUE, « Relance, puissance, appartenance », ne vise en fait qu’à conforter les champions industriels français dans leurs positions dominantes et à perpétuer le statu quo macronien en matière climatique et l’illusion que le progrès technologique nous permettra de maintenir la croissance de notre consommation.
Enfin, nous sommes déçu·e·s que la volonté affichée par le président de la République de « cesser de construire l’Europe en s’isolant des citoyens » soit contredite dans les faits. C’est pourquoi nous faisons nôtres les recommandations de Corporate Europe Observatory et l’Observatoire des multinationales et demandons la transparence de toutes les réunions avec des lobbys, à Bruxelles comme dans les ministères parisiens, de refuser les rencontres avec les représentants des énergies fossiles, mais aussi d’éviter de donner un accès privilégié aux grandes entreprises afin d’empêcher les situations de conflits d’intérêts.
La transparence et l’indépendance des institutions vis-à-vis des intérêts privés sont des nécessités démocratiques. L’influence opaque des lobbys nuit à la crédibilité des institutions et à la confiance que les citoyennes et citoyens européens accordent à l’Union européenne. Nous attendons de la France qu’elle soit exemplaire.