L’Arabie Saoudite doit cesser le traitement inhumain des migrants éthiopiens

Le 30 août 2020, une enquête du Sunday Telegraph révélait que des milliers de migrants, principalement éthiopiens, seraient maintenus dans des conditions épouvantables en Arabie-Saoudite dans le cadre d’une campagne visant à arrêter la propagation du coronavirus. Quand on sait qu’il existe 53 prisons ; que chacun de ces lieux de privation de liberté héberge des migrants éthiopiens et que le seul centre d’Al Shumaisi en détiendrait 16 000, on comprend qu’on est encore loin de tout savoir. 

La mise en lumière de ces traitements inhumains et dégradants à grande échelle appelle une réaction ferme et immédiate de l’UE vis-à-vis des autorités saoudiennes. Le Parlement européen a d’ailleurs adopté ce jour une résolution d’urgence sur cette situation, initiée par le groupe des Verts/ALE et cos-ignée par Mounir Satouri.

Les députés européens appellent l’Union et les Etats-Membres à dénoncer publiquement l’Arabie Saoudite pour ces violations graves des droits humains, et appellent les pays européens à prendre leurs responsabilités. Mounir Satouri a notamment réintroduit dans cette résolution l’appel à l’embargo sur les armes exportées à l’Arabie Saoudite, des forces de sécurité saoudienne ayant tirés sur les migrants à la frontière entre le Yémen et l’Arabie Saoudite, mais aussi sur les technologies de surveillance qui permettent aux autorités saoudiennes de maintenir une main de fer sur la société civile.

Dans un entretien au Brussels Morning avec le journaliste Nafiz Alwaheidi, Mounir Satouri partage ses réactions à ces nouvelles et exprime sa demande d’action de la part de l’Union européenne.

The Brussels Morning, 8 Septembre 2020 (traduit de l’anglais – original)

L’abus de migrants par l’Arabie Saoudite durant la pandémie de COVID-19

Interview de Mounir Satouri, député européen Verts/ALE.

Quelle est votre réaction face à ces atrocités ?

Je suis profondément choqué. Je ne comprendrai jamais comment certaines personnes peuvent incarner des systèmes aussi déshumanisants. Ces images sont une insulte à l’humanité et ne constituent certainement pas une réponse à l’épidémie de Covid. Des milliers de personnes, après avoir été tenues en esclavage, seraient désormais enfermées dans des centres de détention aux conditions inhumaines. Aux violences s’ajoute le risque de maladies, y compris mentales, avec la mort pour seul horizon. À l’émotion s’ajoute ma responsabilité politique à contribuer à faire la lumière sur la situation et libérer ces personnes.

Comment peut-on amener l’Arabie-Saoudite à rendre compte de la situation ?

La situation des migrants en Arabie-Saoudite était déjà tristement documentée. Ces nouvelles révélations sur les conditions de détentions de migrants littéralement parqués en attendant la mort appellent à un sursaut de la communauté internationale. Pour mettre fin à la situation, la priorité absolue est de garantir l’accès à tous les centres de détention à des experts indépendants pour une intervention humanitaire immédiate et des missions d’observation (ONGs, NU, CADHP, UE, etc). Une enquête indépendante doit être immédiatement diligentée sous l’hospice des Nations-Unies afin de déterminer la chaîne des responsabilités. Il est fondamental de faire vite pour identifier tous les sites concernés par ces atrocités et identifier l’ensemble des victimes. Il faut ensuite remonter la chaine des responsabilités et s’il s’avère que le gouvernement saoudien a organisé ou toléré en connaissance de cause ces centres de détention, des actions devront être posées.

Qu’est-ce-que la Commission européenne et la Présidence peuvent faire ?

Au minima et sans délai, convoquer les autorités et exiger des explications. Oser mettre le doigt sur la situation dans l’ensemble de nos relations avec l’Arabie Saoudite ; rappeler que le respect des valeurs qui nous lient est une condition fondamentale à tous les accords qui nous lient. Mais surtout, ne pas se contenter d’une condamnation isolée mais assurer le suivi du contrôle de la situation. Les images sont intolérables, l’UE devrait également contribuer au sauvetage humanitaire des victimes et les aider, si elles le souhaitent, à se réinstaller dans leur pays d’origine.

Des sanctions seraient-elles appropriées pour mettre un terme aux abus répétés en Arabie-Saoudite ?

S’il était confirmé que l’Arabie Saoudite organise à grande échelle la détention de migrants dans des conditions indignes et inhumaines, des sanctions ciblées sur les responsables seraient certainement un élément de réponse à la situation.

Existe-t-il des initiatives pour obtenir l’autorisation d’accéder aux sites pour des experts indépendants médicaux et des droits humains ?

Pas à ma connaissance. Je n’ai lu que des interventions d’Human Rights Watch tentant de recouper des informations sur place.

Quelles sont les garanties que l’UE essaie d’obtenir des autorités saoudiennes pour assurer la protection des droits des migrants ?

Dans mes prérogatives au Parlement européen, je ne suis pas en charge de la relation UE- Arabie Saoudite. Je ne peux donc pas me faire l’écho des discussions en cours. Je peux en revanche pointer l’hypocrisie de l’UE sur la question migratoire. L’UE ferme les yeux sur beaucoup d’abus commis par des pays partenaires quand ils exercent le rôle de garde-frontière pour le territoire européen. Elle entretient également des centres de détention aux conditions insoutenables dans son voisinage comme sur son sol, notamment dans le sud de l’Europe. Les droits des migrants sont les oubliés des droits de l’Homme en Europe comme ailleurs.

Arabie Saoudite sur une carte

The Sunday Telegraph : Enquête sur les migrants en Arabie Saoudite (disponible en anglais uniquement)

Rapport Amnesty : This is worse than COVID-19 (disponible en anglais et arabe uniquement)

Mounir Satouri

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