Les trois leçons + une de Michèle Rivasi
Il y a un an, le 29 novembre 2023, Michèle Rivasi disparaissait soudainement. Elle était à Bruxelles, lors d’une semaine de travail comme tant d’autres, préparait un déplacement en Tanzanie pour soutenir le peuple Masaï, faisait part à ses collègues de ses indignations, prenait du temps avec son équipe. Bref, Michèle était des nôtres et faisait son travail de députée européenne à la manière dont elle s’est toujours engagée, avec détermination et humanité.
Je voudrais en quelques mots rendre hommage à cette grande dame, devenue au fil des ans une figure de l’écologie. Défenseure acharnée de la santé, combattante absolue de la transparence, adversaire infatigable du nucléaire, Michèle était une élue et une militante formidable, qui se mettait au service des causes qu’elle défendait. À bien des égards, elle était pour nous un modèle, issue du monde associatif, un pied dans la société, un pied dans l’institution, et toujours à l’écoute de celles et ceux dont elle portait la voix.
Car si Michèle a emporté avec elle sa volonté d’airain, son obstination à agir, ses convictions inébranlables, sa bonne humeur et son intarissable capacité de révolte, de ses engagements et de sa personnalité, je voudrais tenter de garder en héritage au moins trois leçons politiques.
La première, c’est de ne jamais oublier pour qui l’on milite. Michèle Rivasi était aux côtés des invisibles, des silencié·es, des méprisé·es. De celles et ceux qui ne comprennent plus les élites, et que les élites, en réalité, ne cherchent même plus à comprendre. En somme, elle parlait à un peuple que peu de politiques savent encore toucher. Si Michèle défendait de « grandes causes », comme la justice ou la transparence, elle ne manquait jamais de faire le lien avec les « petites gens ». Des gens parfois fragiles ou marginalisés, victimes de l’arbitraire du pouvoir ou d’ »intérêts supérieurs » mais que Michèle considérait avec sincérité et spontanéité dans toute leur dignité et leur intégrité.
La seconde, c’est de ne jamais avoir peur de ses adversaires, de ne jamais consentir à subir le déséquilibre des forces, de toujours persévérer. Elle ne baissait la tête devant aucun ennemi, et plus celui-ci était puissant, plus sa détermination était forte. Habitée par un panache tranquille mais inébranlable, Michèle ferraillait contre le lobby du nucléaire, contre l’industrie pharmaceutique, contre les géants de l’agroalimentaire, contre les petits arrangements institutionnels des grands de ce monde. Car elle savait à quel point ces turpitudes minent notre Démocratie dans ses fondations même. Chacun de ses combats était Michèle contre Goliath. Elle rendait coup pour coup, revenait à la charge, ne désespérait jamais. C’était une battante.
La troisième, c’est le refus d’intérioriser les injonctions faites aux femmes. Michèle a commencé sa carrière politique dans une univers encore plus masculin qu’aujourd’hui. Elle ne s’est rien interdit. Michèle était fondamentalement libre. Elle n’a ni demandé ni attendu l’approbation des barons en cravate, des apparatchiks de partis ou des mandarins en blouses blanches pour tracer son chemin en femme puissante. Je veux croire qu’elle fait partie, avec tant d’autres, de celles qui ont ouvert la voie à une génération d’écologistes talentueuses, qui à leur tour font vivre l’écologie et portent la voix des plus faibles, que ce soit au Parlement européen, à la direction de notre mouvement, à l’Assemblée, au Sénat, et dans tant de Mairies et de collectivités.
Voilà les trois leçons que je veux retenir de la vie et de l’engagement de Michèle, et pour lesquelles je voudrais tant pouvoir la remercier aujourd’hui.
Il y a un an, Michèle Rivasi disparaissait. Et, bien malgré elle, elle nous a alors livré une quatrième leçon. Une leçon d’attachement et de solidarité.
Je ne trouve pas les mots pour dire la peine qui a été la mienne à l’annonce de son décès. La peine qui a été la nôtre. Encore moins pour dire la douleur et le désarroi de celles et ceux qui travaillaient avec Michèle. Michèle nous a instantanément manqué. Nous ne savions peut-être pas complètement, pas suffisamment, à quel point nous l’aimions. La vie politique est avare de démonstrations d’affection sincères. Elle ne nous laisse pas toujours entrevoir combien nous tenons les un·es aux autres. Les jours qui ont suivi son départ ont été un rappel puissant de la force des liens qui nous unissent. Je n’oublierai jamais les marques de sympathie et les gestes de solidarité venant de toutes parts. Dans notre militantisme, prenons soin de nous. Engageons-nous avec détermination et humanité.
Pour tout cela, par-delà la mort, encore merci à toi Michèle, d’inspirer la meilleure part de nous-même au service du bien commun.
Nous t’aimons. Tu es avec nous.
David Cormand