Martinique : l’heure n’est plus aux palabres
Depuis plusieurs jours, la Martinique traverse une période préoccupante de graves tensions. Face à l’augmentation du coût de la vie, des manifestations ont dégénéré, notamment dans les quartiers populaires de Fort-de-France et du Lamentin. Ces événements témoignent de l’exaspération croissante des martiniquais.e.s face à des inégalités qui les frappent de plein fouet. Les forces de l’ordre, déployées en nombre, tentent de rétablir le calme dans des conditions difficiles.
Les principales causes sont pourtant connues par la population et par le gouvernement : des monopoles qui poussent les prix vers le haut faute de concurrence (signe que la loi Lurel n’est pas bien appliquée), l’absence d’une politique d’incitation, de soutien et de diversification des productions locales, l’augmentation significative des coûts de fret et de stockage, une fiscalité nationale et locale importante (la TVA est appliquée sur de nombreux produits importés pourtant exonérés de l’octroi de mer).
Par son manque de réactivité, l’Etat a laissé s’enliser un mouvement au départ pacifique et mobilisateur. C’est dans un tel contexte que se sont produites des violences et des exactions. Face à cela, le préfet a décidé de mettre en place un couvre-feu à compter du mercredi 18 septembre et jusqu’à nouvel ordre, dans les quartiers les plus affectés par ces événements et a déployé de nouveaux contingents de CRS venus de Guadeloupe et de Guyane.
Si nous déplorons des blessés tant du côté des manifestants que des policiers, ainsi que des dégâts matériels, nous tenons toutefois à réaffirmer notre soutien aux revendications légitimes des martiniquais.e.s pour l’égalité et pour la justice. Car, effectivement, les Antilles françaises sont touchées de manière disproportionnée par le coût des produits importés de première nécessité, qui est au minimum jusqu’à 40 % plus élevé que dans l’Hexagone.
Cette situation est devenue invivable et appelle une réponse immédiate et adaptée des pouvoirs publics car l’économie locale et les martiniquais.e.s sont les principales victimes. Clairement, la solution ne peut se résumer à un énième recours à un couvre-feu et à une répression de CRS, mesures qui ont déjà marqué l’histoire coloniale face aux mouvements réclamant la liberté. Dans son discours de politique générale le Premier ministre n’évoque la question de la vie chère outre mer qu’en quelques mots en se référant aux commissions mises en place dont on sait leur faculté à enterrer les problèmes et des discussions avec les élu.e.s locaux.
L’heure n’est plus aux pseudos commissions et aux palabres. Il est urgent d’agir avec toutes les parties prenantes, et de ramener le calme dans les cités. Nous appelons le gouvernement à engager immédiatement une concertation avec l’ensemble des acteurs locaux afin de mettre en œuvre des solutions structurelles à la crise en Martinique, et dans l’ensemble des territoires dit d’Outre-mer.
Cette concertation doit prendre en compte les demandes des citoyen.ne.s en lien avec la réalité vécue par les foyers ultramarins, pour rappel, la population ultramarine vit en moyenne avec un niveau de vie et de pauvreté monétaire d’1/3 en dessous du seuil métropolitain. Elle doit concerner les filières de distribution (commerçants, grossistes, transporteurs, importateurs, …), et de production locale (agriculteurs, agro transformateurs), les collectivités locales, l’Etat et l’Union européenne.
C’est un véritable plan économique et social qui doit être mis en place pour sortir les Outre-mer de la situation accentuée par les effets de l’inflation, de maintenir un différentiel entre produits locaux et produits importés, de soutenir les filières locales, d’obtenir une transparence dans la formation des prix et de lever l’opacité sur les marges brutes dans la grande distribution, enfin et surtout de déployer le Pacte des Solidarités (2024-2027).
Les Écologistes continueront à porter la voix des populations ultramarines, qui subissent de plein fouet les conséquences d’un modèle économique et social inégalitaire. La justice sociale et environnementale pour les territoires dit d’Outre-mer est une priorité pour notre groupe et pour notre parti, et nous resterons vigilant.e.s quant à l’évolution de la situation en Martinique et dans l’ensemble des territoires ultramarins.
Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-parole Les Écologistes
Groupe écologiste et social à l’Assemblée nationale
La Commission « Outre-Mer » Les Écologistes