Mozambique : quand les droits humains cèdent face aux intérêts gaziers
Il y a quelques semaines, le Monde révélait que l’entreprise TotalEnegies était bel et bien au courant des violations des droits humains au Mozambique, et qu’elle s’en rendait même complice !
Tout commence avec la longue enquête publiée par Politico sur les massacres qui ont eu lieu en 2021 dans le nord du Mozambique, où Total a développé un énorme projet d’exploitation gazière. Pour aménager ce projet, des fermes et des villages ont été rasés. Ils ont été remplacés par un port, un aérodrome et des logements pour les travailleurs du projet. Clôtures de 4 mètres de haut, tours de guet… Une véritable forteresse était sortie de terre. Surnommée Totalandia, elle était défendue par une « Joint Task Force » composée de 700 soldats mozambicains et paramilitaires payés, équipés et logés par Total.
Alors qu’un groupe d’islamistes affilié à Daesh mettait la région du Cabo Delgado à feu et à sang, l’armée Mozambicaine s’est, elle aussi, livrée à des massacres de civils sur le site du complexe gazier. Tandis que les civils de la zone s’étaient réfugiés dans la forêt pour fuir les affrontements et les terroristes, les soldats ont demandé aux exilés de venir se réfugier auprès d’eux, sur le site du projet gazier, pour pouvoir les protéger. Une fois sur place, ils ont séparé les femmes, qui ont été violées, des hommes, qui ont été torturés, abattus et retenus prisonniers dans des conditions inhumaines.
L’armée qui a commis ces exactions est aussi celle qui est chargée de la protection du projet de Total en échange de rémunération de la part de l’entreprise. Total plaide l’ignorance quant à ce massacre commis par l’armée. Mais les journalistes du Monde ont révélé que l’entreprise avait bien connaissance, dès 2021, des graves exactions commises par l’armée et que l’entreprise a continué à payer les soldats.
Pire : les propres conseillers de TotalEnergies en matières de droits humains avaient alerté l’entreprise. Ils avaient alors souligné qu’en cas de violation des droits humains par l’armée mozambicaine, le lien qu’entretient Total avec cette dernière engagerait directement la responsabilité du conglomérat.
Malgré cela, les états-membres de l’UE ont récemment débloqué une nouvelle enveloppe de 20 millions d’euros pour que l’armée Rwandaise prête main forte à l’armée Mozambicaine pour lutter contre les groupes terroristes au Mozambique. Elle aussi est impliquée dans de graves exactions en République Démocratique du Congo. Combattre les terroristes est essentiel. Mais il est inacceptable de normaliser et de financer les criminels de guerre pour protéger les intérêts de nos entreprises.
La Commission européenne et TotalEnergies doivent rendre des comptes. Le Mozambique doit autoriser la tenue d’une enquête indépendante pour faire la lumière sur ces atrocités et pour que les victimes obtiennent justice.
Mounir Satouri