Paris 2024 : après les Jeux, il faut mettre les moyens nécessaires pour des pratiques sportives populaires, vertueuses et inclusives

Pour que perdure l’enthousiasme de Paris 2024 envers le sport et sa pratique, une grande loi « héritage » doit voir le jour. Cette loi doit assurer une pratique physique et sportive pour le plus grand nombre car le sport n’a pas seulement vocation à briller une fois tous les 4 ans. Le sport doit être accessible à toutes et tous, 365 jours par an.

Il aura suffi des premières minutes de la spectaculaire cérémonie d’ouverture orchestrée par Thomas Jolly pour embarquer tout un pays dans le spectacle du sport olympique puis paralympique. Les exploits des athlètes de toutes les nations ont permis de forts moments fédérateurs pour les Français⸱es.

Après Paris 2024, faisons du sport un enjeu politique majeur

Force est de reconnaître que les Jeux de Paris 2024 ont ouvert la voie à certaines avancées environnementales et sociétales : plus de 90% des épreuves se sont tenues dans des équipements déjà existants, la parité (à défaut de l’égalité) chez les athlètes a été atteinte pour la première fois dans l’histoire des Jeux, les efforts pour médiatiser les Jeux paralympiques ont été réels et ont offert une large vitrine pour les disciplines du parasport. Par ailleurs, les efforts de dépollution de la Seine pour permettre la baignade dans le fleuve à partir de 2025 marque les prémices d’une prise de conscience de l’urgence de reconquérir notre biodiversité.

La marque olympique se vend cher, très cher, trop cher

Mais la réussite de Paris 2024 a un coût. Et la facture est salée car ce temps de célébration du sport aura englouti plusieurs milliards d’euros d’argent public. Ces milliards dans les Jeux sont, dans nos consciences, immanquablement mis en concurrence avec la dégradation de nos services publics aussi essentiels que l’éducation, la santé ou la justice. « Les jeux financent les jeux » : la devise du COJO* est un leurre et la marque olympique se vend cher, très cher, trop cher.

Public VS partenaires privés : pas tous à la même enseigne pour financer les Jeux

En parallèle, au nom du « secret des affaires », les montants de la participation des sponsors privés ne sont pas connus. Vendus par le CIO et soutenus financièrement par les collectivités, les JOP auront pourtant permis des privatisations de nos espaces publics ainsi que fait la promotion d’une consommation débridée, pour le bénéfice des grandes entreprises partenaires des Jeux.   Un gouffre abyssal sépare aujourd’hui le discours olympique du monde réel. Alors que les Jeux se clament « populaires », les tarifs des places étaient souvent exorbitants, des étudiant⸱es ont été chassé⸱es de leur résidence et les autorités françaises ont effacé des personnes sans domicile fixe des rues de Paris. Alors qu’au discours protocolaire de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques, le président du CIO, Thomas Bach félicitait la “culture de paix” que permettent les Jeux, l’armée Israélienne bombardait quelques heures plus tôt une école à Gaza.

Entre les discours et le réel, le décalage est tel que l’avenir de l’olympisme risque fort d’en être affecté durablement. Cela s’est d’ailleurs observé autour des jeux de Paris : nombreuses furent les critiques. 

Nous Ecologistes, affirmons qu’il est possible de vivre des émotions fortes tout en gardant son esprit critique. Oui, les moments de concorde sont précieux, non ils ne nous empêcherons pas de proposer de faire mieux.

Nous ne nous résoudrons pas à renoncer à ces moments sportifs fédérateurs que sont les Jeux olympiques et paralympiques. Pour que l’esprit de l’olympisme perdure, les Jeux, dans leur organisation, doivent faire leurs mues. Nous réclamons davantage de démocratie, de transparence financière et de sobriété : des conditions cruciales pour faire éclore des Jeux plus populaires et plus respectueux de l’environnement.

Des Jeux fastueux, un sport populaire en souffrance

Enfin, nous invitons à bien faire la distinction entre le sport spectacle et le sport, tel qu’il se pratique par tous⸱tes celles et ceux qui y ont accès, sur les terrains, au quotidien partout sur les territoires. La formidable réussite des équipes de France lors des Jeux de Paris 2024 ne doit pas faire oublier que la culture sportive doit être davantage soutenue en France. Une grande loi héritage de ces Jeux doit voir le jour tant les équipements sportifs sont saturés, souvent vieillissants, tant la sédentarité et tous les problèmes de santé qui y sont liés explosent, notamment chez les plus jeunes, tant les conditions de formation et d’enseignement de l’EPS* sont insuffisantes.

La réussite des Jeux ne suffit pas à faire de la France une nation sportive. A l’heure où la cérémonie de clôture des jeux paralympiques a résonné, il est temps de faire advenir une grande loi pour le sport en France afin que l’héritage des Jeux profite au plus grand nombre. Celle-ci ne peut pas être faite au rabais, c’est la raison pour laquelle nous publions ici, ce qui nous semble être le minimum digne de l’ambition de ces Jeux.

Nos propositions pour le sport

Pour des grands événements sportifs responsables :  

⇒ Organiser une consultation locale avant toute candidature pour un grand événement sportif international.  ⇒ Ouvrir un plus grand nombre de places à des tarifs abordables pour garantir l’accès d’un public populaire aux événements sportifs. 

⇒ Durcir le cahier des charges pour l’attribution des fonds publics des grands événements. Les nouvelles constructions doivent contribuer à l’amélioration du parc immobilier social, et l’écoconditionnalité doit permettre une meilleure prise en compte des enjeux écologiques dans la conception des événements et leur mise en place (déchets, consommation énergétique, déplacements, protection des sites, alimentation etc.).

⇒ Adopter une loi d’éthique sur le sponsoring des grands événements sportifs qui bénéficient de soutien public. Celle-ci inclurait:

  • la transparence absolue sur les montants de la participation de l’ensemble des sponsors, partenaires publics comme partenaires privés ;
  • l’interdiction du sponsoring pour les entreprises qui œuvrent dans les énergies fossiles, l’aéronautique, l’agro-industrie, l’armement et/ou les financeurs avérés du dérèglement climatique corrélée à l’intégration des partenaires privés dans le bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’événement ;
  • l’augmentation des parts de marché prévues pour les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Les entreprises de l’ESS, comme les entreprises locales, doivent également figurer parmi les sponsors des grands événements sportifs. 

⇒ Accorder de réels moyens dédiés à la découverte et à l’initiation aux pratiques sportives en amont et pendant les Jeux, prioritairement à destination des Français·es les plus éloigné·es de la pratique sportive et partout sur le territoire, sans que cela repose uniquement sur les collectivités territoriales, déjà premières financeurs du sport au quotidien 

⇒ Assurer une indemnité aux bénévoles qui couvre leurs frais pendant les grands événements sportifs et leur permettre d’accéder à des formations qualifiantes.

Faire de la France un pays de sport !

⇒ Créer une fête du sport au niveau national, comme il existe une fête de la musique. 

⇒ Porter les moyens du ministère des sports à 1% du budget de l’État.

⇒ Mettre en place un plan national d’urgence pour la construction et la rénovation des équipements sportifs. Les équipements sportifs doivent prendre en compte les besoins du territoire. Quand cela est possible, ils doivent faire l’objet d’une gestion non lucrative, sans délégation de service public au privé lucratif et sans charges d’entretien disproportionnées pour les collectivités. Nous privilégions des équipements sportifs de proximité, accessibles à tou·tes (handisport, sport adapté, pratiques féminines…), cohérents, inclusifs, permettant des pratiques diverses, plutôt que des structures destinées exclusivement aux clubs professionnels.

⇒ Augmenter la taxation sur les retransmissions sportives à la télévision et la part des produits des jeux et paris pour contribuer au financement du sport amateur.

⇒ Le mouvement sportif doit être accompagné via les contrats aidés.

⇒ Démocratiser la gestion des fédérations sportives et assurer la souveraineté des licencié·es sur leur fédération, en encourageant des modes d’organisation plus coopératifs (type SCIC). Agir sur la gouvernance en imposant une co-présidence paritaire à la tête des fédérations sportives.

⇒ Relancer la création d’emplois aidés pour les associations sportives.

⇒ Reconnaître l’engagement des bénévoles dans le sport en facilitant la validation des acquis ou bien en intégrant le temps de l’engagement bénévole dans le calcul de la retraite.

⇒ Porter à 4 le nombre d’heures hebdomadaires d’Éducation Physique et Sportive pour tou·tes les élèves de collège. Proposer une formation initiale et continue, à la hauteur des ambitions,  en éducation physique et sportive aux enseignant·es.

⇒ Agir pour la création d’une association sportive dans tous les établissements scolaires du premier degré pour rendre gratuite et accessible la pratique d’une activité physique encadrée par des enseignant·es et des éducateur·ices.

⇒ Dépolluer nos lacs, fleuves et rivières pour développer les sports d’eau (water-polo, nage en eaux libres, planche à voile…) et prendre soin de notre biodiversité.

Pour un sport inclusif

⇒ Rendre accessibles les activités sportives aux populations disposant de faibles revenus avec une prise en charge à 50% des licences sur critères sociaux par l’État. Étendre l’utilisation du Pass’sport au sport scolaire.

⇒ Développer des maisons de Sport-Santé dans tout le pays. 

⇒ Rembourser le sport santé, ou « sport sur ordonnance », grâce à la Sécurité sociale.

⇒ Organiser la mise en place réelle, à la fois contrôlée et évaluée, d’un plan d’action, de formation et de sensibilisation sur les violences sexuelles, le racisme, le harcèlement et les LGBT-phobies dans le sport.

⇒ Renforcer l’accessibilité aux équipements sportifs des personnes en situation de handicap et la visibilité des événements de handisports. Nous demandons le respect de la loi adap’ votée en 2005, qui visait initialement une mise en accessibilité de l’ensemble des infrastructures accueillant du public.

⇒ Promouvoir le sport au féminin, instaurer la parité dans la retransmission télévisuelle des grands événements sportifs et les rendre accessibles sur des chaînes publiques. L’ensemble des budgets publics dévolus au sport doivent être répartis équitablement entre hommes et femmes. 

Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-paroles nationales
La commission sport, loisirs et tourisme des Écologistes 

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