Planter des arbres sans se planter ! Un défi pour nos villes !
Durant la campagne des dernières municipales, les candidats ont rivalisé partout en France de promesses de planter des arbres : Jean-Luc Moudenc, à Toulouse, promet 100 000 arbres de plus sur les six prochaines années, Paris 170 000 arbres en cinq ans, Lyon 500 000 arbres et arbustes …
Les grandes villes, les grandes sociétés et aussi les petites soucieuses de leur image, les associations, tout le monde veut planter des arbres ! Comment ne pas s’en réjouir ? Symbole d’une prise de conscience de la nécessité de « renaturaliser » nos villes et d’agir pour le climat et l’environnement.
L’objectif est double : réduire l’empreinte carbone et climatiser la ville, à l’heure du réchauffement climatique.
Des start-ups ou des associations, comme sur Toulouse le groupe Micro-forêts de Toulouse en Transition, se sont engagés sur ce créneau, en proposant des plantations très denses, inspirées de la méthode du botaniste Miyawaki, et promettant une croissance 10 fois plus rapide et 100 fois plus de biodiversité ! “Ce qu’on cherche, c’est la symbiose entre les arbres, mais aussi la concurrence, puisque chacun va aller chercher la lumière et va chercher à le faire plus vite que le voisin”, précise Stéphane Hallaire, président de la société Reforest’action, leader sur ce nouveau marché de plantations.
Ce qui compte pour ce type de société et pour certains politiques, c’est le nombre de plants, pour un affichage médiatique.
De telles promesses sont fortement tempérées par les lois de l’écologie :
La fixation du CO² dépend peu de la nature des végétaux et de leur densité ; dans nos régions tempérées la fixation de carbone reste aux alentours de 10 à 12 tonnes de matière carbonée par ha et par an (blé=10,2 ; betterave=11,8 ; hêtraie ou frênaie atlantique=13,5). Il est donc faux de dire qu’en augmentant la densité végétale on fixera plus de CO². La densité initiale de plantation en forêt se situe généralement entre 1 000 et 1 500 tiges par hectare soit 10 à 20 fois moins que ce qui est préconisé par les partisans de la méthode Miyawaki.
N’importe quel jardinier amateur sait que s’il sème ses radis trop serrés ils deviendront anémiques, seront plus facilement malades et ne produiront qu’une maigre récolte ! C’est pareil pour les arbres et arbustes : après une forte croissance en longueur les premières années, la concurrence pour l’eau et la lumière les affaiblira ; le vent ou la neige briseront leurs longues tiges fragiles, les champignons et insectes élimineront les plus faibles et à plus ou moins long terme une disparition de 60 à 90% des sujets ramènera la densité à un optimum écologique proche de celui des forêts spontanées. Les forestiers en ont fait l’expérience depuis ½ siècle.
Concernant la richesse en biodiversité, une seule étude a été menée aux Pays-Bas, sur deux mini-forêts, compare les observations avec une forêt de référence. La biodiversité est plus importante, dans les jeunes plantations qui ont deux ans, mais il n’est pas possible extrapoler sur le long terme, d’autant que le paillage initial ou le compost ajouté ont favorisé une présence importante d’insectes.
Des alternatives plus simples, plus efficaces mais moins médiatiques …
Comment ?
D’abord planter beaucoup moins serré
Avec 1000 plants à l’hectare soit 0,1 plant par m² au lieu de 3 prônés par la méthode Miyawaki, on a un coût lié aux plants 30 fois moins élevé ; avec le même budget on plante une surface 30 fois plus vaste et on permet aux arbres un développement normal.
Ensuite faire confiance à la nature
La société Reforest’action, pour des projets de mini-forêts urbaines, comme par exemple à St-Orens, impose à la commune de décompacter la zone de plantation, d’apporter du compost, alors que le terrain était planté en luzerne, d’installer un système d’irrigation alimenté par le réseau d’eau potable, de construire une clôture, et utilise des godets en plastique non recyclés pour les plants. Est-ce bien écologique ?
L’association Arbres et Paysages d’Autan, qui intervient sur cette même commune, n’effectue qu’un paillage et n’arrose pas les plants. C’est aussi ce que préconise l’association Forestiers du Monde, avec un taux de reprise qui avoisine les 80 à 90 % sans entretien particulier.
Notons aussi que naturellement des friches se reboisent en trente ans, on le constate sur d’anciens terrains cultivés en périphérie de Toulouse.
Compenser nos émissions de CO2 par des plantations d’arbres ?
L’idée est excellente ! Mais calculons d’abord les rejets induits par un type de plantation Myawaki ; l’utilisation de mini-pelles ou de tracteurs pour le travail du sol, d’un broyeur pour obtenir le compost, l’installation de l’irrigation, de clôtures, l’obtention des plants par le pépiniériste, etc… ne sont pas neutres en carbone ! Alors, avant de compenser, limitons nos rejets, par des techniques douces et économes !
Ne croyons donc pas que c’est « la solution » : un français émet en moyenne 11 tonnes d’équivalent CO² par an. Il faudrait planter 5000 arbres par habitant pour compenser les émissions d’une vie, tout en sachant que le temps moyen pour qu’un arbre atteigne son potentiel de stockage (150 kilos de CO²) est de trente ans !
Ces plantations de forêts urbaines n’ont donc qu’un intérêt écologique très limité, agissons plus concrètement sur nos modes de consommation, de déplacement, à l’origine de nos émissions de CO².
Mais nous pouvons les utiliser pour éduquer les enfants et leurs parents en les faisant participer à toutes les étapes du projet.
Lutter contre les îlots de chaleur en ville ?
Les arbres en ville, mais aussi les pelouses, par leurs capacités d’évapotranspiration peuvent aider à limiter les îlots de chaleur. L’AUAT a publié un atlas des îlots de chaleur sur la métropole, agissons principalement sur ces zones.
Débitumons le plus possible, par exemple dans les cours d’écoles, utilisons les délaissés de terrain propices à des plantations au sein des quartiers, invitons à planter des arbres sur les parcelles privées, protégeons mieux que cela n’a été fait jusqu’à présent les alignements d’arbres, les arbres isolés. C’est possible en classant ces arbres dans le Plan Local d’Urbanisme.
Michel Sarrailh