Réponse de Marine Tondelier à l’invitation d’Emmanuel Macron le 17/11
Paris le 11 novembre 2023
Monsieur le Président,
Nous avons bien reçu votre courrier du 5 novembre conviant les chefs de partis à de nouveaux échanges en format « Rencontres de Saint-Denis ».
Vous nous aviez proposé de réagir par écrit au relevé de conclusions de la première réunion de Saint-Denis, ce que nous avions fait dans un courrier en date du 10 septembre dédié à l’urgence écologique et à la justice sociale.
Nous y déplorions notamment l’infime place tenue par l’écologie dans ce relevé de décisions, malheureusement fidèle à son inexistence dans l’ordre du jour proposé par vous-même et à sa quasi absence des débats ce jour-là – et ce n’est pas faute d’avoir essayé, au nom des Écologistes, de la remettre sur la table à chacune de mes interventions – dans une indifférence presque générale.
Tout cela nous avait paru proprement anachronique et insupportable à l’heure où l’habitabilité même de la planète est remise en question et où des millions de Françaises et Français sont asphyxiés par la violence sociale. Nous trouvons tout de même malheureux que notre courrier de cinq pages n’ait suscité aucune réaction de votre part.
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C’est cette fois un sentiment de consternation qui ressort des échanges collectifs que nous avons eus chez Les Écologistes en lisant votre dernier courrier d’invitation.
D’abord parce que vous y mettez en avant une soi-disant volonté de dialogue depuis notre première rencontre, alors que dans l’exact même temps, vous multipliez l’usage de l’article 49.3 sans même essayer d’écouter les propositions qui sont faites à votre gouvernement ni de travailler à un compromis pour rendre le budget de la l’Etat et de la Sécurité Sociale plus justes pour nos concitoyen·nes.
Nous ne sommes pas dupes : la mise en scène autour de la rencontre du 17 novembre qui se voudrait un dialogue entre partis politiques se confronte à la réalité de la méthode de gouvernement qui est la vôtre et qui consiste à refuser toute forme d’écoute ou de création de consensus pour mieux multiplier les passages en force.
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La rencontre du 17 novembre qui s’ouvre sur la situation internationale reviendra bien évidemment sur le conflit israélo-palestinien, sujet sur lequel nous partageons avec beaucoup de Françaises et de Français l’effroi qu’ont créé les abominations commises en Israël suite aux attaques terroristes du Hamas, faisant plus de 1 400 morts, 3 400 blessés et plus de 200 otages qui sont aujourd’hui encore détenus. Ces derniers doivent être libérés immédiatement et sans condition et nous en avions parlé lors de notre dernière rencontre: la France doit tout mettre en œuvre pour obtenir leur libération immédiate.
Le Gouvernement israélien organise aujourd’hui sa riposte dans la violence la plus extrême, avec le déplacement forcé de plus d’1,4 million de personnes, un état de siège de la Bande de Gaza dont la population est privée de nourriture, d’eau, de médicaments et d’électricité. Une tragédie où, sous les bombardements continus et indiscriminés de la bande de Gaza, plus de 9 000 Palestiniens dont 3 450 enfants ont péri en plus d’un mois, comptant également plus de 20 000 blessés dont près de 6 400 enfants. Le 3 novembre, Israël a également commencé à expulser des “milliers” de travailleurs palestiniens à Gaza, les renvoyant ainsi dans une zone de guerre.
Nous avons rappelé dans un communiqué en date du 4 novembre que le bombardement continu et indiscriminé, comme l’état de siège de la Bande de Gaza, s’apparentent à des crimes contre l’humanité.
Nous n’avons eu de cesse d’alerter votre gouvernement et vous-même sur les graves atteintes au droit international par Israël, atteintes que l’atrocité des événements terroristes du 7 octobre commises par le Hamas ne saurait en aucun cas justifier. Nous tenons à renouveler nos mises en garde à destination du gouvernement français, des conséquences d’un soutien politique et logistique à l’offensive militaire de l’armée israélienne à Gaza.
Nous exhortons la France, notamment en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, à exiger un cessez-le-siège et un cessez-le-feu immédiats, à envisager des sanctions à l’encontre d’Israël et à suspendre toute livraison d’armes françaises à Israël.
Nous vous exhortons également, et nous avions aussi insisté là-dessus le 12 octobre, à œuvrer au sein de l’Union Européenne et de la communauté internationale pour l’arrêt de la colonisation, la relance d’un processus de paix, et, au préalable, pour le respect par Israël des résolutions de l’ONU. Le droit international, la protection des civil·es doivent être la boussole de la France qui doit renouer avec la voix singulière qu’elle a longtemps eue sur le sujet et qui nous rendait fiers.
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Par ailleurs, vous convoquez votre troisième réunion depuis le mois d’août avec les organisations politiques, mais force est de constater qu’encore une fois, ni l’urgence écologique ni l’urgence sociale ne sont à l’ordre du jour de vos préoccupations politiques. Le 12 mai dernier, vous demandiez déjà « une pause réglementaire européenne » sur les normes environnementales, au nom de la compétitivité : auriez-vous peut-être omis de préciser que vous demandiez une pause politique tout court sur ces sujets ?
Alors que ces dernières années, les Françaises et les Français, subissent violemment l’inflation galopante, des conditions de vie de plus en plus difficiles et une précarisation de plus en plus de travailleurs, nous nous désolons que ces préoccupations ne soient pas au cœur de nos échanges du 17 novembre. En 2022 et selon une étude de l’INSEE, neuf millions de personnes étaient en situation de privation matérielle et sociale en 2022, ce chiffre risque bien d’exploser en 2023 et pouvoir échanger sur cette thématique constitue pour Les Écologistes un impératif.
Vous évoquez dans votre courrier les enjeux de cohésion nationale, enjeux que nous partageons grandement. Oui notre pays est gravement fracturé. Mais quelle réponse apportez-vous ? Un potentiel élargissement du champ de l’article 11 pour rendre possible un débat sur l’immigration ! Comment pouvez-vous honnêtement concilier une prétendue volonté de cohésion nationale et lancer un référendum sur un des sujets les plus clivants, en particulier dans le contexte international que nous connaissons ? Cette conjonction totalement incohérente démontre définitivement que vous êtes passé du “en même temps” au “tout et son contraire”.
Quant à l’écologie, vous vantez dans votre courrier la concrétisation de conclusions sur le projet de planification écologique, or permettez-nous Monsieur le Président, de vous faire remarquer que la réunion qui a eu lieu suite à la rencontre de Saint Denis n’était qu’une simple présentation à l’identique du document des “50 leviers” identifiés et publiés le 19 juillet 2023 par Antoine Pellion, à la tête du Secrétariat Général à la Planification Écologique (SGPE).
Tout cela était bien inutile car nous tenons à vous rassurer : nous savons lire. Il n’était pas nécessaire de nous réunir des heures autour d’une table pour nous présenter un rapport publié deux mois auparavant. Et, pire encore, de vous en vanter dans votre courrier comme d’une avancée démocratique. Aucune nouvelle annonce, aucune forme d’écoute ni de parti politique ni de la société civile, des chercheurs et des experts.
Vous nous rappelez en fin de courrier que nous avons la possibilité de suggérer des thèmes supplémentaires à l’ordre du jour de notre rencontre le 17 novembre, ce que nous ne manquerons pas de faire, bien que jusqu’à présent vous vous obstinez à ne pas écouter les propositions et demandes formulées de notre côté de la table, là où vous préférez dérouler le tapis aux projets politiques des Républicains et du Rassemblement national. Toutes nos demandes de notre courrier du 10 septembre, que je vous remets en Annexe, sont malheureusement encore d’actualité. A commencer par un référendum sur les retraites, ce que souhaitent 9 actifs sur 10, qui permettrait là oui certainement de recréer du lien intergénérationnel, de la confiance dans le politique, et donc, par là, de la cohésion nationale.
Le message de votre invitation est donc très clair : les questions environnementales ne seront abordées le 17 novembre que si les Écologistes y sont présents. Faites-moi confiance, Monsieur le Président, pour aborder ces thèmes avec “franchise et respect” pour reprendre les termes de votre courrier d’invitation.
Vingt-et-un an après le Sommet de la Terre à Johannesburg et, pour paraphraser le Président Jacques Chirac, vous décidez aujourd’hui, Monsieur le Président, de regarder ailleurs pendant que la maison brûle. Je vous confirme donc que je serai présente pour porter ces sujets et, par ailleurs, répondre aux autres thématiques, de l’ordre du jour que vous avez proposé, aussi lointaines soient-elles des urgences que vivent nos concitoyennes et concitoyens.
En espérant que vous prendrez en compte tout ou partie des nombreuses sollicitations dont nous vous avons déjà fait part, je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’expression de mes sentiments républicains.
Marine Tondelier
Secrétaire nationale
Annexe : courrier de Marine Tondelier au Président de la République daté du 10 septembre 2023