Une suspension inacceptable des nouvelles coopérations culturelles avec le Niger, le Burkina Faso et le Mali

Le 13 septembre, les structures culturelles subventionnées recevaient l’instruction du Ministère de la Culture sur directive du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères de cesser toute coopération avec les artistes des pays dont l’instabilité s’est accentuée : le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Le gouvernement annonce ensuite le refus de délivrer des visas, même étudiants aux ressortissant.e.s de desdits pays. Puis le rétropédalage de la Ministre de la Culture vers une suspension limitée aux nouvelles coopérations ne nous satisfait pas, ni n’apaise nos inquiétudes.

Cette décision a déclenché un tollé dans le milieu culturel français. Les écologistes  dénoncent avec force cette décision aberrante. Nous appelons à la suspension de cette décision, au soutien réitéré aux artistes et acteur.ices culturel.les locaux, et enfin, à une profonde refonte des relations France – pays d’Afrique francophone sur des fondements égalitaires.

Les écologistes sont du côté des cultures plurielles. La culture ne doit jamais être instrumentalisée dans une politique aux accents post-coloniaux mais bien rester un horizon d’espoir, de sens et d’ouverture au monde.

Cette suspension est contraire à la politique culturelle française qui s’est toujours placée du côté des artistes menacé.e.s (ukrainien.e.s, russes dissident.e.s…). La responsabilité du gouvernement français est de poursuivre les échanges avec ces artistes et de permettre aux artistes locaux de poursuivre leur travail ou de rejoindre, pour celles et ceux qui le souhaitent, la France de manière sécurisée pour pouvoir continuer à exprimer leur art. Renoncer à la diplomatie culturelle, n’est-ce pas précisément laisser les artistes à la merci de gouvernements autoritaires?

De surcroît, la fin de ces coopérations culturelles contrevient à divers principes fondamentaux de la politique culturelle française : 

  • la liberté de programmation inscrite dans la loi liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) de 2017. 
  • la “protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles” inscrite dans la convention de l’Unesco de 2005 signée par la France.

De plus, cette décision, erreur politique majeure, balaye indignement d’un revers de main des liens tissés de longue date entre la société civile et les structures culturelles françaises et locales avec le soutien de l’Institut Français. Pourtant, en ces temps d’instabilité politique, il est essentiel de ne pas abandonner ces sociétés civiles. 

Comme le souligne l’Observatoire de la Liberté de Création Artistique et la Ligue des Droits de l’Homme dans son communiqué, “dans quelle mesure l’arrêt ou la suspension des programmations culturelles malienne, nigérienne et burkinabée en France vient-elle affaiblir la légitimité des régimes parvenus au pouvoir récemment ?”

Nous comprenons les difficultés organisationnelles pour délivrer les visas mais des alternatives sont possibles : collaboration avec d’autres ambassades plus sécurisées par exemple. 

Cette décision est également aberrante sur la forme. Ce courrier expéditif sans autre ménagement, traduit un dédain pour les directeur.ices d’établissement subventionnés, pourtant fers de lance de la politique culturelle française. Il traduit l’amateurisme de la coordination interministérielle entre la Culture et les Affaires étrangères. Le cafouillage communicationnel d’un Président et de sa Ministre tentant tant bien que mal de rectifier le tir, n’a pas aidé.

Cette décision ajoute à la difficulté des conditions de travail des directeur.ices culturel.le.s pour tenir leurs programmations actuelles et des saisons prochaines lorsqu’elles intègrent des artistes de ces pays. 

Un choix de nouveau révélateur, s’il le fallait, de l’attitude française vis-à -vis des pays de l’Afrique francophone : une relation ambigüe et inégale au profit de la France. Au Mali, au Burkina, au Niger, les artistes, les étudiant.e.s, et plus largement, les sociétés vont se détourner de la France si elles ne sont pas prises au sérieux et écoutées.

Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-parole

La Commission Culture d’EELV

Remonter

UA-35262957-1